FB Procédés fête ses 30 ans! – Fernand Barré

Sep 1, 2021

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Février 2021, dans un petit village du Morbihan, nous avons rendez-vous avec Monsieur Fernand Barré, âgé aujourd’hui de 89 ans. Pour beaucoup d’entre vous, ce nom ne vous dit rien. Pourtant, attardez-vous sur les initiales. Oui, FB. Nous lui devons l’invention de la technologie de nos dégrilleurs, à savoir le système gravitaire, au même titre que la création de notre société FB Procédés. Un moment aussi rare qu’agréable en compagnie d’une personne que la majorité des collaborateurs actuels ne connait pas puisqu’il est parti en retraite en 1993.

 

Bonjour Fernand, pour commencer, pouvez-vous nous dire quel a été votre parcours professionnel ?

J’ai débuté comme dessinateur industriel aux Batignolles à Nantes. Nous faisions de la machine à papier. Je n’avais pas pu faire de grandes études car mon père était revenu prisonnier de guerre et il est décédé peu de temps après, cinq ans je crois. Et ma mère n’avait pas les moyens de nous envoyer mon frère et moi dans certaines écoles.

Toutefois, je voulais avancer quand même, et j’ai rapidement souhaité quitter cette grosse boîte où certaines personnes ne faisaient pas grand-chose et ce n’était pas trop mon état d’esprit.

 

Quelle suite avez-vous donné à votre carrière à ce moment-là ?

Tout en continuant à travailler, je me suis inscrit aux cours du soir dans une école d’ingénieurs. Je n’ai d’ailleurs pas eu mon diplôme officiel car il aurait fallu poursuivre encore deux ans à l’école et il était un peu tard pour moi car j’étais déjà marié.

Mais il existait une structure à l’époque qui s’appelait « Ingénieurs professionnels », où j’ai continué à me former. Les gens qui s’y distinguaient et qui apprenaient pouvaient évoluer sans être passés par une école. J’ai donc passé mon examen avec eux et obtenu mon diplôme, qui n’est d’ailleurs jamais sorti de chez moi.

J’ai répondu à une offre d’emploi dans le domaine des eaux usées, un secteur que peu de personnes connaissaient à l’époque. Je me suis alors retrouvé à dimensionner des stations d’épuration, l’étude de traitement, à calculer tous les ensembles, la puissance des moteurs, le béton armé, etc. Bref, tout de A à Z.

C’est ce qui m’intéressait, gérer du début à la fin. J’ai donc fait par la suite 2-3 petites sociétés dans lesquelles je m’occupais du bureau d’études et des chantiers. J’ai donc eu quelques responsabilités et surtout eu la possibilité de voir les choses de près. Le travail y était passionnant. J’y faisais même du commerce, chose que je ne savais pas faire d’ailleurs.

 

Comment et quand avez-vous eu l’idée de lancer votre propre dégrilleur ?

Début des années 80, la société dans laquelle je travaillais a subi les conséquences d’un secteur qui ne marchaient plus très bien faute de crédits et a donc fermé. Comme les autres, je me suis fait virer. J’ai donc essayé de retrouver une société mais à 50 ans, qui plus est dans un domaine qui ne se portait pas au mieux…

C’est là que je me suis dit : je ne vais pas sonner aux portes, je connais beaucoup d’ingénieurs (génie rural ou ponts et chaussées) qui lançaient les projets auxquels il fallait répondre, j’ai de l’expérience… et j’avais dans la tête une idée de dégrilleur. J’en avais souvent vu en réparation dans les ateliers communaux car ils ne fonctionnaient pas bien car trop mécaniques. J’avais des idées en partant du principe qu’il fallait un dégrilleur rustique et surtout pas trop mécanique.

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Quel était le cahier des charges que vous vous étiez fixé au départ et votre retour d’expérience avant commencer ?

Le point de départ : la simplicité ! Je suis un homme simple et je n’aime pas les choses compliquées. Je me rappelle, lorsque les clients venaient me voir au début et me posaient des questions au niveau de l’entretien et des réglages, je leur répondais qu’il y avait peu d’entretien à prévoir et pas de réglages. Je disais souvent : il n’y a pas de réglages car il n’y a pas de déréglages ! Cela surprenait beaucoup.

Avant de me lancer, j’avais fait le constat que les dégrilleurs étaient chers, fonctionnaient tant bien que mal, mais ils étaient souvent en panne. Lorsque j’allais sur les chantiers et que je voyais un dégrilleur qui ne fonctionnait pas, il fallait essayer des choses pour le remettre en service. Les dégrilleurs de l’époque avaient aussi des grilles de bas en haut. J’avais fait pas mal d’hydraulique et je n’en voyais pas la nécessité. Ils restaient compliqués, souvent avec deux moteurs, ils passaient 2-3 jours à régler le dégrilleur sans que cela soit très concluant. Dès qu’il y avait un peu d’usure, cela ne fonctionnait plus. La mécanique dans l’eau usée, cela ne pouvait pas marcher.

A partir de là, j’ai cogité et cela vient un peu tout seul si on veut. Il ne faut pas que cela soit trop mécanique, donc faisons un matériel type agricole, sans que cela soit péjoratif, et facile à installer. Sur ce dernier point, c’était plus personnel car je n’avais pas le temps. Je voulais que le montage soit rapide et ne dure pas plus de 2-3 heures. Je désirais aussi que cela fonctionne sans être forcément bien installé.

 

Et donc, comment se sont passés les premiers pas de la conception de votre dégrilleur ?

Je n’avais pas de sous. J’ai donc commencé par poser mes idées sur plans car j’avais une planche à dessin chez moi. Je me suis évertué à appliquer des techniques simples comme le levier, le coin, le contrepoids ou la pente. C’est de la physique. Je ne voulais pas qu’il y ait de pannes possibles. J’ai alors réalisé une maquette en bois, mise en mouvement à l’aide d’une manivelle.

Pour la grille, pourquoi mettre des barreaux jusqu’en haut ? C’était illogique. On calcule le passage de l’effluent au travers de la grille, les pertes de charge, etc. ça suffit. J’ai donc limité la hauteur de la grille. Ensuite, j’ai mis du jeu partout. Quand il y a du jeu, cela fonctionne toujours. C’est ce que je disais aux premiers clients. Heureusement que je les connaissais bien…

Il fallait aussi tenir compte de ce que vous vouliez récupérer avec les dégrilleurs. Sur ceux que j’avais vu précédemment, il suffisait de bas nylon ou de chaînes de vélos pour qu’ils se bloquent. Alors, quand vous aimez la mécanique telle que je la comprends, vous tournez autour d’une solution et un déclic arrive. Parfois, simplement en mettant une pièce ou un truc à l’envers, cela peut paraitre surprenant mais cela peut fonctionner.

 

Par rapport à vos idées de base, est-ce qu’il y a eu des modifications significatives sur les premiers dégrilleurs ?

Un exemple, au départ, j’étais parti pour faire fonctionner mon dégrilleur avec une chaîne mais ce n’était pas assez élastique, et il fallait que cela soit souple en cas de chocs ou autres. Et puis un jour, je vais sur un chantier et je vois un tracteur soulever une charge avec une sangle assez petite. Je me suis dit : cela va péter son truc ! Je vais voir le conducteur et il me dit que cela peut résister jusqu’à 5 tonnes. Je lui ai immédiatement demandé où il achetait cela. A partir de ce moment, la sangle répondait à tous mes critères et elle est devenue une évidence.

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Comment avez-vous établi contact avec la société Martin pour la fabrication ?

Ah oui, Claude Martin, un gars très bien qui voyait clair, a été le deuxième homme de l’affaire. Il tenait avec son frère une boite de chaudronnerie à Gesté. Je l’ai connu sur des stations d’épuration car il y fournissait de la serrurerie. C’est aussi grâce à lui que cela s’est fait. Il m’a très vite dit « je marche », il a investi et il m’a aidé à faire la publicité de la maison avec les photos de ses camions et de ses ateliers. Cela rassurait car cela faisait sérieux, alors qu’FB Procédés n’avait rien.

Sans Claude Martin, tout cela n’aurait pas été possible.

 

Et parlez nous un peu des premiers pas commerciaux…

J’en avais parlé à beaucoup d’ingénieurs que je connaissais très bien. Ils m’encourageaient en me disant que c’était un besoin réel dans leur quotidien. Bon, par la suite, quand je suis arrivé avec ma machine, ce n’était pas aussi rose car ils devaient en parler à leur patron.

Je suis parti sur la route faire du commerce mais je n’aimais pas ça.

J’ai eu la chance d’avoir de l’expérience et de connaitre des clients potentiels. Un jeune n’aurait pas pu connaitre autant de monde du milieu par exemple. Sur les chantiers, nous mangions ensemble systématiquement le midi et cela créait forcément des liens. C’était la belle époque où nous avions le temps. On arrosait bien les affaires et vous vous retrouviez parfois avec une boite de cigares sur votre note.

 

Vous souvenez-vous des premiers dégrilleurs vendus ?

Oui, il me semble qu’il y en avait un pour la SAUR à installer dans la périphérie nantaise et un second à Huelgoat dans le Finistère sur un abattoir avec un entrefer de 6mm. Je connaissais le gars et il était intéressé de savoir comment nos dégrilleurs fonctionneraient. Il s’occupait de l’entretien et il était « emmerdé » avec des machines onéreuses et qui ne fonctionnaient pas.

Bon, ils étaient quand même sceptiques et le deal était clair : « nous allons le laisser fonctionner pendant 6 mois et nous vous paierons ensuite ». Je ne pouvais pas aller contre. Et il ne fallait surtout pas parler de références puisque je n’en avais pas. J’avais vraiment confiance en ce que j’avais conçu. Ma maquette en bois fonctionnait bien et les premiers essais avec Claude en atelier avaient confirmé cela.

Avez-vous eu des soucis sur les premières installations ou des demandes particulières ?

La seule chose qui dérangeait, c’était le bruit lorsque l’ensemble pelle/chariot s’ouvrait. Nous en avions posé un à Quiberon et les voisins n’étaient pas contents. J’y suis allé afin d’ajouter un contrepoids pour équilibrer le système et personne ne s’en est plaint ensuite. Mais au départ, c’est vrai, nous avons dû revenir plusieurs fois sur ce détail avant de le régler.

Ensuite, des demandes particulières ? Oui, je me souviens. Nous avions fait des dégrilleurs à installer dans des regards enterrés mais où le personnel exploitant pouvait descendre. Et puis sur un regard à la Trinité sur Mer, impossible de descendre le moindre exploitant une fois le dégrilleur en place. Nous avons donc conçu et fabriqué un dégrilleur télescopique. Il a tout de suite fonctionné admirablement bien. Je l’avais bien mis en valeur celui-là en disant : « on fait de tout chez nous ! ».

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Qui effectuaient les montages sur site à l’époque ?

C’est moi qui les faisais systématiquement. Je savais comment cela se passait dans les communes à l’époque, où les employés communaux étaient toujours prêts à rendre service. Je prétextais leur présenter le dégrilleur de A à Z et ils venaient sans sourciller me donner la main pour installer la machine. Bien souvent, je n’avais même pas besoin de mettre la main à la pâte. Et tout le monde était content.

 

En 1991, racontez-nous comment s’est déroulé l’association avec Patrick Dupré avant votre départ en retraite.

Nous avions travaillé ensemble à une époque avec Patrick. Et puis, le hasard de la vie a fait qu’il passait devant chez moi régulièrement car nous habitions à proximité. Sa société de l’époque voulait se délocaliser au Mans il me semble et il connaissait le domaine des eaux usées. Nous en avons discuté et je lui ai proposé de prendre la suite. Je le connaissais et je le savais très bon mécanicien et bricoleur. Bricoleur, cela veut dire beaucoup de choses, c’est dans la tête que cela se passe. Et puis, par la suite, j’ai vu que c’était un très bon commerçant. C’est donc lui qui a gonflé la pelote car quand je lui ai laissé, elle n’était pas bien grosse.

A l’époque, je faisais un dégrilleur par mois. C’était bien mais je passais plus de temps sur ma planche à dessin que dehors à trouver de nouveaux clients. Et donc Patrick m’a dit : « je prends ! ». Je lui ai dit qu’il avait raison car il y avait un gros marché. Il a donc passé deux ans avec moi pour apprendre un peu sur les dégrilleurs et les clients que je connaissais. Je suis alors passé employé et lui PDG pendant 24 mois.

C’est à ce moment-là que nous avons créé le premier logo de la société avec la goutte d’eau. La société était entre de bonnes mains et je me suis donc arrêté en 1993. J’en avais un peu marre de faire la route, les chantiers et tout… Je suis parti le cœur léger.

 

Vous parlez du logo mais comment vous est venu le nom de la société ?

A vrai dire, je me suis rapidement dit que « FB », c’était bien. Je voulais mettre « systems » derrière mais nous étions toujours dans le « franglais ». Alors j’ai décidé de mettre « procédés » à la place. J’aurais peut-être dû faire l’inverse mais c’est comme ça que cela s’est passé. J’ai alors très rapidement déposé ce nom. Je me rappelle vouloir faire plus à l’époque, pour faire comprendre que nous étions une maison avec un tas de procédés, mais j’en suis resté là.

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